L’imposition des consultants des organisations internationales et du personnel local des missions permanentes établies à Genève

L’imposition des consultants des organisations internationales et du personnel local des missions permanentes

Une situation fiscale propre à Genève

Grâce à son statut de centre mondial de la diplomatie, Genève n’abrite pas moins de 45 organisations internationales et 177 missions permanentes étatiques. Une mission permanente représente son État auprès des organisations internationales dont il est membre ce qui explique leur grand nombre à Genève.

Ces organismes et missions ni privés ni nationaux ont donc des règles d’imposition et de charges sociales de leurs employés, spécifiques.

A ce titre, un régime de privilège et d’immunités a été mis en place fondé sur les règles édictées par la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques et des accords entre la Suisse, le canton de Genève et chaque organisation internationale, le droit suisse intervenant de manière résiduelle. Cette pratique internationale d’immunité a des conséquences en matière juridique mais également en matière fiscale et d’assujettissement aux assurances sociales suisses.

Le statut de fonctionnaire international ne cotisant pas à l’AVS, et payant l’impôt interne à l’organisation sur ses rémunérations ainsi que l’assurance maladie propre à l’organisation est bien connu. Néanmoins, d’autres personnes travaillent dans ces hémisphères selon des régimes différents avec une immunité beaucoup plus faible voire inexistante.

C’est le cas des consultants des organisations internationales et du personnel local des missions permanentes.

Ces dernières années, les organisations internationales notamment onusiennes, n’attribuent plus le statut de fonctionnaire international à tous leurs intervenants. Le recours aux consultants est de plus en plus important et a vocation à perdurer dans le temps.

Nous verrons donc dans un premier temps ce qu’il advient de la situation sociale et fiscale de ces personnes avant de nous intéresser dans un second temps, au cas du personnel local des missions permanentes étatiques.

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      PARTIE 1 : LE CONSULTANT D’UNE ORGANISATION INTERNATIONALE

      Qu’est-ce qu’un consultant ?

      Les consultants sont des personnes qui signent des contrats avec l’organisation pour des missions horaires de conseil de courte durée (souvent d’un an) qui sont renouvelables.

      Ils ne sont pas considérés comme membres du personnel de l’organisation et ne jouissent donc pas des privilèges et avantages des fonctionnaires internationaux mentionnés dans les accords bilatéraux et la Convention de Vienne précitée.

      A cet effet, pour les consultants non suisses ou non titulaires au préalable de leur intervention d’un permis de résidence B ou C, le département fédéral des affaires étrangères leur délivre une carte de légitimation de type H qui est une carte délivrée aux non-fonctionnaires (consultants, stagiaires et bénévoles).

      Quel est le problème en pratique ?

      En théorie, les consultants sont censés être des spécialistes indépendants, mandatés par l’organisation pour une mission déterminée dans le temps et dans son contenu et rémunérés pour cette mission uniquement.

      Dans la pratique, les missions sont constamment renouvelées, les tâches réalisées se fondent dans celles dévolues aux fonctionnaires et l’Organisation étant le seul « client » du consultant, il n’y a pas d’indépendance de celui-ci mais plutôt un lien de subordination.

      Quelles conséquences pour le consultant sur son impôt et ses charges sociales ?

      Cf Documentation du département fédéral des affaires étrangères

      En matière d’assurances sociales

      Le consultant doit s’annoncer à la caisse cantonale de compensation de son lieu de domicile ou du lieu d’exercice de la mission pour un consultant frontalier (Genève dans notre cas).

      La caisse cantonale de compensation (OCAS) considère que le consultant est un salarié d’un employeur non tenu de cotiser bien que les organisations internationales ne rentrent pas tout à fait dans l’exception prévue à l’article 33 du règlement du 31 octobre 1947 sur l’assurance-vieillesse et survivants.

      Le consultant va donc devoir cotiser lui-même à l’AVS/AI/APG/AC/AFam/AMat à la fois pour les charges salariales et patronales. Le montant de la cotisation est déterminé au regard des indemnités fixées dans le contrat de consultance.

      Le taux de cotisation global s’élève environ à 15,3% (cf Taux de cotisations 2021 OCAS) contre 6,5% pour un salarié lambda soit une différence de plus du double.

      Concernant la couverture LPP 2e pilier, l’organisation n’est également pas tenue de cotiser conformément à l’article 1j a. de l’Ordonnance du 18 avril 1984 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité.

      A ce titre, il sera possible mais non obligatoire pour le consultant de s’assurer à une caisse de prévoyance 2e pilier en versant seul l’ensemble des cotisations.

      En matière d’assurance maladie

      Les consultants d’organisations internationales ne bénéficient pas de la couverture maladie de l’organisation.

      Pour les résidents, ceux-ci doivent donc s’affilier obligatoirement à une caisse d’assurance maladie suisse reconnue avec couverture accident.

      Pour les frontaliers, le droit d’option s’applique comme pour les salariés et indépendants dans les trois mois du début du contrat. Les résidents français pourront donc choisir une caisse d’assurance maladie suisse ou la couverture maladie universelle (CMU) proposée par l’État français.

      En matière d’impôt sur le revenu

      Les privilèges fiscaux des fonctionnaires internationaux de l’organisation ne sont pas applicables aux consultants.

      Le consultant va être donc soumis à la loi fiscale suisse et imposé sur son revenu selon les règles d’imposition cantonales et fédérales de son lieu de domicile pour un résident suisse et de son lieu de travail pour un frontalier.

      Ne pouvant être imposés à la source par l’organisation internationale, le consultant doit souscrire une déclaration ordinaire chaque année pour déterminer le montant de ses acomptes d’impôt et le solde éventuel.

      Tips important : les consultants ne sont donc pas concernés par la réforme 2021 de l’imposition à la source et les éventuelles pertes de déductions supplémentaires.

      Comment doit être remplie la déclaration fiscale genevoise ?

      En raison du lien de dépendance avec son unique client, l’administration fiscale opère une taxation hybride pour les consultants d’organisations internationales.

      Ils ne sont pas considérés comme indépendants au sens fiscal et doivent donc compléter l’annexe A des activités dépendantes et non la B.

      Ils peuvent déduire l’ensemble des acomptes AVS versés sur l’année (parts employeur et employé) dans l’annexe A mais ne peuvent pas déduire leurs frais généraux ou amortir leur matériel.

      Seules les déductions spécifiques aux salariés leur seront applicables soit les suivantes :

      • Frais de transport et de repas dans les limites forfaitaires ICC et IFD
      • Cotisations au 3e pilier A dans la limite de CHF 6'883 pour 2021 en cas d'affiliation à une institutions de prévoyance ou dans la limite de CHF 34'416.- s'il n'y a peu eu d'affiliation volontaire auprès d'une caisse de prévoyance (art. 7 OPP3)

      Les consultants ne cotisent pas, sauf option volontaire, à une caisse de prévoyance pour le 2e pilier. S’ils décident de cotiser, ils pourront donc déduire leurs cotisations et les rachats de lacune de prévoyance comme un salarié.

      Toutes les autres déductions générales leur seront applicables comme les versements en assurance vie, les primes d’assurance maladie, les frais médicaux et les charges d’entretien d’un immeuble dont ils sont propriétaires.

      S’ils ne résident pas en Suisse, leur fortune n’aura pas à être déclarée et les revenus imposables à l’étranger seront retenus uniquement pour le taux d’impôt des honoraires de consultance. Une déclaration PPHC sera donc réalisée (personnes physiques hors canton).

      Quel impact pour les consultants frontaliers habitant en France ?

      En l’absence de précision de la part de l’administration fiscale française, les revenus de consultance devront être déclarés comme des salaires dans la déclaration française et donc suivre la législation suisse en la matière.

      La 2047 suisse devra donc être complétée avec déduction des acomptes AVS, des cotisations LPP éventuelles et des cotisations d’assurance maladie de base.

      Ces revenus nets déclarés en 1AF ou 1BF ouvriront donc droit à un crédit d’impôt égal à l’impôt français (8TK) et ne seront donc retenus que pour la détermination du taux d’imposition des revenus imposables en France.

      Vous souhaitez en savoir plus sur le statut de consultant internationnaux ou le statut de personnel local d'une mission permanente à Genève ?

      Contactez-nous, laissez-nous vos coordonnées et nous vous rappelons dans les 24h pour en discuter !

      PARTIE 2 : LE PERSONNEL LOCAL D’UNE MISSION ETATIQUE PERMANENTE

       

      Nous allons nous intéresser au régime particulier du personnel recruté localement (sur Genève) pour une mission permanente étatique.

      Pour rappel, il s’agit d’une mission de nature permanente, ayant un caractère représentatif de l'État, envoyée par un État membre d'une organisation internationale auprès de l'organisation, d’où leur nombre considérable à Genève.

      Sans organisations internationales, il n’y aurait pas de mission permanente mais seulement des ambassades ou consulats.

      Les employés locaux ne font pas partie du personnel de carrière transférable de l’État d’envoi. Ils ont vocation à rester travailler dans l’État accréditaire (la Suisse et plus précisément le Canton de Genève dans notre cas). Ils ne peuvent donc pas être imposés par l’État d’envoi.

      Il faut distinguer deux types de personnel local ainsi que deux types de régions du monde pour la deuxième catégorie de personnel :

      Les 2 types de personnel :

      Le personnel local de nationalité suisse ou résident permanent Suisse avec permis B/C

      Conformément à l’article 37 2. de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques, les membres du personnel administratif et technique de la mission qui sont ressortissants de l’État accréditaire (la Suisse dans notre cas) ou qui y ont leur résidence permanente ne bénéficient d’aucun privilège ou immunité et vont être soumis au droit interne suisse en matière sociale et fiscale.

      Comme les consultants des organisations internationales, le personnel local suisse ou résident permanent de Suisse va se voir appliquer les mêmes règles en matière sociale et fiscale.

      En pratique cela signifie :

      En matière d’assurances sociales :
      • Cotisations obligatoires auprès de la caisse de compensation du canton de résidence ou d’emploi (frontaliers de nationalité suisse) sur le régime des cotisations des salariés d’employeurs non tenus de cotiser (en accord avec l’article 33 a du règlement du 31 octobre 1947 précité)

      => Taux global de cotisations aux assurances sociales de 15,3% pour le Canton de Genève

      En matière d’assurance maladie :
      • Adhésion obligatoire à une caisse d’assurance maladie suisse reconnue pour les résidents
      • Droit d’option entre la Lamal frontalier et la CMU pour le personnel de nationalité suisse résidant en France
      En matière d’impôt sur le revenu
      • Imposition selon le droit interne Suisse des rémunérations perçues au titre de l’emploi dans la mission
      • Pas d’imposition à la source pour les résidents Permis B et les nationaux résidant en France = obligation de souscrire une déclaration genevoise ordinaire
      • Déclaration en annexe A (professions dépendantes) des salaires et déductions des charges comme un salarié = ensemble des acomptes AVS versés, cotisations au 2e pilier en cas de souscription, 3e pilier A si adhésion ainsi que les frais de repas et de transport suivant les règles de la LIPP et de la LIFD

      Pour plus de précisions, merci de se reporter au paragraphe en la matière, développé dans la partie I sur les consultants des organisations internationales.

      Lorsque l’État de la mission permanente est un État hors UE/AELE ou personnel hors UE d'une mission UE

      Dans ce cas précis, le personnel local en question n’est pas Suisse, n’a pas sa résidence permanente en Suisse au titre d’un permis B ou C et travaille pour une mission située dans un État tiers à l’UE ou l’AELE (hors Philippines qui dispose d’un régime particulier).

      L’employé en question peut donc être de nationalité européenne.

      Par exemple, nous allons prendre le cas de Madame Rita Lee, de nationalité italienne, résidant en France et travaillant pour la mission permanente de la République Populaire de Chine auprès des Nations-Unies à Genève (Lancy pour être exact).

      En vertu des articles 33 et 37 3. de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961, Madame Rita Lee va donc pouvoir bénéficier des privilèges et immunités en matière sociale et fiscale prévus par la Convention.

      En matière d’assurances sociales :
      En matière d’assurance maladie :
      En matière d’impôt sur le revenu :

      Lorsque l’État de la mission permanente est un État  UE/AELE et que le personnel est ressortissant d'un Etat de l'UE/AELE

      Dans ce dernier cas, le personnel local de la mission va se voir attribuer un réel statut de salarié ce qui diffère de l’ensemble des cas vus précédemment.

      En effet, l’accord sur la libre circulation des personnes du 21 juin 1999 entré en vigueur en 2002 va déroger à la règle des articles 33 et 37 de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur la partie assurance sociale et maladie.

      Dans ce cas de figure, l’État d’envoi (celui de la mission permanente) va être soumis aux obligations de tout employeur suisse en matière sociale.

      En matière d’assurances sociales :
      • Adhésion obligatoire aux assurances sociales suisses de la caisse de compensation du lieu d’emploi (OCAS) et contribution au paiement des cotisations par la mission permanente (part employeur)
      • Adhésion par l’employeur à une caisse de prévoyance LPP et contribution à la part employeur légale par celui-ci
      • Adhésion par l’employeur à l’assurance accidents et paiement des cotisations patronales afférentes
      • Application du régime de législation sociale de l’État accréditaire où s’exerce l’emploi (article 11 3. A Règlement CE 883/04) sans possibilité d’option pour le régime social de l’État d’envoi conformément à la dernière actualisation de l’annexe II de l’accord du 21 juin 1999 et des règlements CE 883/04 et 987/09 ne contenant plus de dispositions spécifiques pour les personnes employées par des représentations étrangères.
      En matière d’assurance maladie :
      • Adhésion obligatoire à une caisse d’assurance maladie suisse reconnue sauf pour les résidents français
      • Droit d’option entre la Lamal frontalier et la CMU pour le personnel résidant en France
      • Pas de prise en charge par la mission permanente des frais médicaux et d’hospitalisation
      En matière d’impôt sur le revenu :

      En vertu de l’article 21 de l’accord sur la libre circulation des personnes du 21 juin 1999, il semble que l’accord n’affecte pas les dispositions fiscales applicables auparavant.

      En conséquence, les règles en matière d’imposition sur le revenu des employés titulaires d’une carte de légitimation de type E ressortissant d’un État de l’UE ou de l’AELE et travaillant pour une mission permanente d’un État de l’UE ou de l’AELE ; doivent également bénéficier des règles fiscales de l’article 37 3. de la Convention de Vienne du 18 avril 1961.

      Par conséquent :

      • Pas d’imposition en Suisse de la rémunération perçue au sein de la mission conformément à l’article 37 3. de la Convention de Vienne

      TABLEAU SYNTHETIQUE DES DIFFERENTS CAS DE FIGURES SOUS L'ANGLE DE L'IMPÔT SUR LE REVENU SUISSE

      Etat de résidence fiscale
      Suisse Imposition en déclaration ordinaire genevoise Imposition en déclaration ordinaire genevoise
      France Imposition en déclaration ordinaire genevoise ; Imposable avec crédit d'impôt à 100% en France Imposition en déclaration ordinaire genevoise ; Imposable avec crédit d'impôt. à100% en France Non imposable à Genève (immunité art 37 convention de Vienne) ; Imposable en France sauf disposition contraire de la convention fiscale Non imposable à Genève (immunité art 37 convention de Vienne) ; Imposable en France sauf disposition contraire de la convention fiscale

      TABLEAU SYNTHETIQUE DES DIFFERENTS CAS DE FIGURES SOUS L'ANGLE DE L'IMPÔT DE L'ASSURANCE MALADIE

      ASSURANCE MALADIE
      « Déclaration de garantie » Paiement des frais médicaux par l’employeur OUI OUI
      Adhésion obligatoire à une assurance maladie suisse reconnue ou CMU pour frontaliers résidant en France OUI OUI OUI
      Assurance maladie suisse sur option dans les 6 mois de la prise de fonction OUI OUI

      TABLEAU SYNTHETIQUE DES DIFFERENTS CAS DE FIGURES SOUS L'ANGLE DES ASSURANCES SOCIALES

      ASSURANCES SOCIALES
      Pas d’adhésion possible aux assurances sociales suisses OUI OUI
      Adhésion obligatoire AVS/AI employeur non tenu de cotiser + LPP facultative avec cotisations de l’employé uniquement OUI OUI
      Adhésion obligatoire AVS/AI employeur tenu de cotiser + LPP obligatoire avec employeur tenu de cotiser OUI
      Assurance accident possible sur demande avec contribution de l’employeur OUI OUI OUI
      Assurance accident obligatoire avec contribution employeur OUI
      Assurance accident obligatoire sans contribution employeur OUI
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